Les maires et mairesses ont besoin de partenaires pour développer leur ville. Toutefois, la jonction administration municipale et promoteur ne résulte pas toujours en une danse où les villes mènent.

ÊTRE MAÎTRE-D’OEUVRE DES PROJETS

Le scénario est souvent le même: un promoteur débarque avec un projet. Si celui-ci est de faible ou de moyenne envergure, l’administration municipale aura les outils (schéma d’aménagement; plan d’urbanisme; règlement de zonage, etc.) pour évaluer sa compatibilité avec les orientations de développement et son impact sur le voisinage immédiat. Au besoin, on fera les ajustements réglementaires requis mais jusqu’à une certaine limite : celle de son acceptabilité par la population.


Bien sûr, il y a le risque du syndrome du « pas dans ma cour » chez les citoyens impactés par le projet mais voilà pourquoi les élus municipaux existent : établir les consensus entre les intérêts de part et d’autre.

Parmi ceux-ci, il y a évidemment la nécessité de maximiser le milieu de vie des citoyenNEs et de percevoir de nouvelles taxes.

Pour leur part, les promoteurs auront toujours le même souci : maximiser leur profit. C’est ainsi qu’ils chercheront à rentabiliser chaque mètre carré de terrain - par la densification parfois à outrance - à diminuer les coûts des matériaux de construction, à proposer des aménagements paysagers moins coûteux, etc.

Doit-on-les-en blâmer ? Non, la recherche du profit et la prise de risques sont dans leur ADN et c’est pourquoi ils investissent.

ÊTRE MAL OUTILLÉS POUR DIRIGER?

Cette dynamique est particulièrement évidente quand on parle de « méga-projets ». Les administrations municipales semblent cependant mal outillées pour transiger avec les promoteurs qui ont flairé la bonne affaire, à moins que ce ne soit simplement le courage politique qui fasse défaut. Trois exemples d’actualité en sont la preuve : Royalmount à Montréal; Le Phare à Québec; Place Charles-Lemoyne à Longueuil.

Josee Latendresse Projects Longueuil
La Presse, Une aberration nommée Royalmount, 22 janvier 2019

ROYALMOUNT

Le projet « Royalmount » (centres commerciaux, salles de spectacles, restaurants et immeubles à bureaux, à l’angle des autoroutes 40 et 15-S) n’aurait probablement pas vu le jour dans sa forme actuelle s’il n’y avait pas eu de « défusion » sur l’île de Montréal. Pourquoi ? Parce que ce projet est un non-sens urbanistique quant à son impact sur la circulation et le cannibalisme dont il procède en regard des activités commerciales et de l’offre culturelle ailleurs sur le territoire de la Métropole. De fait, au lendemain de la défusion de 2004, Ville Mont-Royal a recouvré son autonomie et elle a les coudées franches quant à l’impact du projet: seule compte la recherche de nouvelles taxes.

Josee Latendresse Projects Longueuil
.rcinet.ca/fr/2015/02/19/a-limage-dalexandrie-quebec-erigera-un-phare-geant-a-lentree-de-la-ville

LE PHARE

« Le Phare » (condos, appartements locatifs, bureaux, commerces et hôtel) à la porte ouest de Québec, est aussi un projet très dense qui mise sur le nouveau système de transport en commun projeté par l’administration Labaume pour atténuer les problèmes appréhendés de circulation. Aux dires du promoteur, il procède de l’invitation faite au Groupe Dallaire de « présenter un projet significatif pour la région de Québec », sur ce segment du boulevard Laurier dans l’arrondissement de Sainte-Foy. Il est vrai que l’aménagement de ce secteur pourrait être amélioré et c’est pourquoi une consultation publique avait mené à l’adoption d’un plan particulier d’urbanisme en 2012. Or, celui-ci faisait consensus sur une vision limitant la hauteur à 30 étages alors que le promoteur voudrait ériger une tour de 65 étages. Tous les observateurs ont qualifié la consultation menée par la ville de « minimaliste et bâclée » mais l’administration Labaume a fait savoir qu’elle irait de l’avant malgré l’opposition.

PLACE CHARLES-LEMOYNE (LE MÉTRO)

Sur la rive-sud, le projet Place Charles-Lemoyne (condos, logements locatifs, bureaux, restaurants, salle de spectacle, hôtel, espaces de travail collaboratifs) est né du désir de la Société immobilière du Canada de viabiliser ses propriétés excédentaires en bordure du fleuve (Longue Rive). Une entente est intervenue avec la Ville, en 2014, pour «contribuer activement au développement d’un plan d’ensemble (…) qui sera le reflet des aspirations de la collectivité ». Quant au promoteur Devimco, il a très tôt été associé à la démarche « pour répondre à la vision de Longueuil ». L’administration St-Hilaire a bien voulu présenter le tout comme une « vision » laissée en « héritage » mais on comprend que le plan particulier d’urbanisme, adopté en 2018, mène davantage à un projet tel que souhaité par le promoteur. La « collectivité » n’a que très imparfaitement été consultée et sur le tard, ce qui a néanmoins permis de rappeler à la ville qu’il serait sans doute opportun de prévoir une école dans ce futur quartier à très haute densité résidentielle…

VOULEZ-VOUS DANSER MONSIEUR OU MADAME LA MAIRE?

Bien que distincts, ces trois projets, qui marqueront pourtant le paysage urbain pour des décennies, démontrent qu’en matière de méga-projets, les administrations municipales semblent tomber sous la charme des entrées fiscales attendues et abnèguent leur responsabilité de définir l’avenir de leur communauté et surtout, d’en contrôler la mise en œuvre avec les plus hauts standards et exigences. Quant aux promoteurs, bien secondés d’experts urbanistes, architectes ou ingénieurs à leur solde, ils mènent le bal pour inviter leur partenaire à se laisser guider et à suivre le rythme.